Compte rendu et analyse du congrès d’études 2024 du SNESUP (mercredi 5 et jeudi 6 juin à Poitiers) par le collectif trans-tendances AGIR ! et par le courant de pensée « Pour un Syndicalisme de Lutte »

Compte rendu et analyse du congrès d’études 2024 du SNESUP (mercredi 5 et jeudi 6 juin à Poitiers) par le collectif trans-tendances AGIR ! et par le courant de pensée « Pour un Syndicalisme de Lutte »

Ceci n’est pas un compte rendu au sens strict mais une analyse du congrès dans la perspective des fondements d’AGIR! et de PSL, qui peuvent se résumer en un constat et un objectif :
D’une part, nous faisons le constat d’une perte d’influence du SNESUP pour deux raisons liées :
– à cause de son manque de combativité et de ses compromissions inhérentes au développement d’un syndicalisme d’accompagnement ;
– à cause de la dévitalisation des sections et de l’emprise des tendances, devenues des clans, sur la direction nationale.
D’autre part, notre but est de revitaliser le SNESUP, c’est-à-dire de le démocratiser et de le rendre plus combatif en développant des analyses de fond, en encourageant l’action des sections et en fédérant les luttes, en libérant la direction nationale de l’emprise des tendances claniques.
Dans cette perspective, que peut-on retenir du congrès ?
Celui-ci s’est tenu dans une période particulière, à quelques jours des élections européennes qui a abouti à une progression dangereuse de l’extrême droite, conséquence du jeu machiavélique d’un pouvoir belliciste et d’une politique antisociale subie depuis bien trop longtemps par les salariés et vécue comme un mépris par les citoyens.
Dans ce contexte, la nécessité d’un rassemblement large, non politicien et aux objectifs de rupture clairs, des forces de gauche et réellement républicaines, est indispensable. Redonner l’espoir d’une véritable alternative est urgent…
Nous devons tous redoubler d’efforts, y compris dans notre syndicat, car une telle alternative a besoin de luttes sociales amples et déterminées pour émerger.
Les délégués des sections présents au congrès ont été sensibles à nos arguments. Nos interventions à la fois critiques et constructives, en séance plénière et lors des commissions, ont permis d’améliorer les textes, si bien que la plupart des militants présents les ont approuvés. Néanmoins, ils nous semblent encore insuffisamment porteurs d’une réelle dynamique combative. Nos interventions ont donc une nouvelle fois mis en lumière la mollesse et l’ambiguïté des positions des « courants de pensée » majoritaires.

Chaque congrès est essentiel !
Si l’importance des congrès d’orientation est connue de tous puisqu’il s’agit d’y définir tous les deux ans la politique syndicale et d’y élire la direction nationale (CAN) et l’exécutif, celle d’un congrès d’études (les autres années) est moins bien perçue. Pourtant, tout congrès, quel qu’il soit, est l’instance syndicale la plus élevée, est souverain et donc, est le lieu d’une analyse annuelle et d’une actualisation de nos mandats revendicatifs. Il est par conséquent un lieu démocratique essentiel.
Cependant, malgré un léger progrès par rapport au congrès de 2022 à Dijon, la participation a été une fois de plus trop modeste, à cause d’une préparation insuffisante dans les sections ; il ne s’agit pas, pour nous, de critiquer les camarades surchargés de travail dans leurs établissements mais de déplorer l’insuffisance des efforts de la direction pour revitaliser nos sections. 81 mandats de délégués dont 40 % de femmes (par intermittence pour certains : 58 présents à la première séance et 68 à la dernière) ont été recensés par la commission des mandats, représentants de 44 sections d’établissements (soit seulement 23 % des sections). AGIR! et PSL considèrent que cette participation n’est pas à la hauteur de l’organisation syndicale de masse qui serait nécessaire pour contrer efficacement la politique du pouvoir en matière d’enseignement supérieur et de recherche (surtout après l’annonce de l’acte II de l’autonomie, la casse de la formation universitaire des enseignants, les modifications statutaires concernant les PRAG/PRCE, etc.), et pour défendre correctement et gagner de nouvelles avancées pour les collègues.
Il faudrait de plus analyser finement la manière de préparer le congrès parmi les établissements universitaires représentés : nombre de syndiqués réunis, les débats menés (d’ordre local et/ou national, en lien avec les thèmes étudiés), la désignation des délégués… Si nous connaissons tous les difficiles contraintes d’organisation en local, un syndicat que l’on veut combatif ne peut pas s’habituer à une trop faible représentation !
C’est pourquoi nous réaffirmons l’urgence d’un gros travail du secteur « vie syndicale » et du syndicat dans son ensemble pour redynamiser nos sections.

Le déroulement du congrès :
La première demi-journée, en séance plénière, a été consacrée au débat général, très souvent en lien avec l’actualité politique nationale d’ESR et internationale. Quelques sujets abordés :
– la Palestine, l’urgence d’un cessez-le-feu et d’une solution de paix à deux Etats, la dénonciation des atteintes aux libertés publiques et universitaires (interdiction de débats)…
– le projet ministériel de modification statutaire concernant les PRAG/PRCE élargissant leurs missions et de fait, alourdissant leur travail, l’objectif du ministère étant d’économiser du personnel. Un camarade AGIR! a dénoncé l’ambiguïté de la position syndicale de laisser faire en considérant positive l’application officielle du Référentiel d’Equivalence Horaire inhérente à ce projet. C’est une erreur pour un syndicalisme qui se devrait de défendre les collègues sans compromission !
– le sous-financement de l’Etat et les mauvaises conditions de travail dans les universités ;
– les fausses  »expérimentations » qui consistent à imposer une politique destructrice du service public par étapes successives…
– la casse de la formation universitaire des enseignants et ses conséquences ;
– le danger de l’extrême droite et la nécessité d’un front uni pour s’y opposer ;
– le projet destructeur de l’acte II de l’autonomie, après l’acte I de la LRU, l’information des collègues et le combat à organiser, avec la demande d’organisation de larges débats par les sections en vue de développer une mobilisation nationale dès la rentrée ;
– la dénonciation de la pression pour le tout apprentissage, son caractère pervers d’autofinancement permettant un désengagement financier de l’Etat et laissant de plus la part belle au privé…
– les formations payantes (DU), à distance parfois, contraire au service public gratuit que nous revendiquons ;
– l’augmentation des frais d’inscription, notamment différenciés pour les étudiants étrangers extra- communautaires ;
Benoit TESTE, secrétaire général de la FSU en visioconférence, a par ailleurs indiqué que le rapprochement avec la CGT ne sera pas une fusion, ce qui confirme nos critiques d’un rapprochement par le haut, sans débat ni consultation des syndiqués.
2 demi-journées en commissions ensuite, sur 3 thèmes différents :
 Thème 1 – Urgence écologique : quelle contribution de l’ESR ?
Bien qu’important et d’actualité, ce thème cher à de nombreux collègues et étudiants est aussi apparu pour certains délégués en décalage par rapport à la raison d’être syndicale, surtout en cette période d’annonce de « LRU II ». D’ailleurs, nos élus à la CAN avaient alerté lors du choix des thèmes de réflexion mais l’exécutif bicéphale AS-EEPSO l’a maintenu.
Le texte adopté dénonce à juste titre « les méfaits d’un système capitaliste et productiviste ». L’un des enjeux de cette commission était de bien faire le lien avec le syndicalisme. Le SNESUP réaffirme que le service public est nécessaire pour relever le défi écologique et pointe des enjeux précis (rénovation des bâtiments, contrecoup du recours imposé à la visioconférence, nécessité d’une recherche indépendante pour éclairer l’opinion et accompagner la société dans les choix à faire …)
Rapport final voté (59 pour , 4 abstentions , 4 NPPV) en séance plénière du jeudi après-midi.

 Thème 2 – L’autonomie des universités, acte II : à quel prix ?
Très suivis par les délégués compte tenu du dangereux projet gouvernemental, les débats ont été nourris par l’expérience et le bilan désastreux de la loi LRU et ses avatars depuis 17 années. Ont notamment été dénoncées les diverses fausses expérimentations, leurs objectifs, le vocabulaire piégeur (simplification…) mais aussi la méthode qui consiste à imposer de manière brutale et anti-démocratique des réformes qui remettent en cause le service public, sans la moindre évaluation à posteriori. Ainsi, la désignation d’établissements pour expérimenter certaines mesures et d’autres établissements pour en expérimenter d’autres (rapport Gillet, acte II de l’autonomie) vise à morceler la résistance, ce qui implique que notre syndicat redouble d’efforts auprès des sections pour mettre en lumière la politique globale et développer la résistance.
Le projet gouvernemental et le rapport Gillet qui l’accompagne ont été décryptés en terme d’objectifs à court et long terme : les regroupements d’établissements (déjà à l’œuvre) avec éloignement des lieux de décisions et réduction de la démocratie ; l’autonomie financière totale (notamment via l’apprentissage, les fondations, la recherche utilitaire et de court terme, etc.) et les conséquences sur les droits d’inscription des étudiants ; la mise en concurrence des universités par une autonomie en terme de définition des formations et de leurs contenus ; la « gouvernance » échappant au contrôle des personnels et des étudiants par une réduction de leur part dans les Conseils d’établissements ; la remise en cause du statut national des personnels et les dérives localistes dangereuses et inacceptables…
Les camarades AGIR! et PSL ont demandé à ce que le syndicat affirme clairement la nécessité de mettre un terme définitif à l’impasse libérale LRU en l’abrogeant, pour aller vers un Service Public totalement gratuit, de qualité, ouvert à tous. Nous avons demandé d’établir et de diffuser largement un contre-projet (avons-nous été entendus ?) qui permette de rendre espoir aux collègues, de leur donner un objectif positif de lutte, le tout en montrant que les moyens existent largement pour le mettre en œuvre (les sommes pharaoniques englouties dans le surarmement, les réductions d’impôts octroyées aux riches depuis des années, la fraude fiscale, etc.) et en contrant les discours catastrophistes et largement mensongers sur l’endettement du pays qui « nécessiterait des réductions des dépenses publiques » selon le gouvernement…
Comme contribution à la réflexion et au travail sur un contre-projet, nous avons diffusé aux délégués notre texte « les maux de l’ESR en quelques mots » (lien « les maux de l’ESR en qq mots ») issu de notre journée de travail de février dernier.
Concernant les PRAG/PRCE, nous avons fortement insisté sur la nécessité d’un refus syndical clair et sans ambiguïté de toute modification statutaire qui élargirait leurs missions et donc alourdirait leur travail (avec les conséquences liées : glissement de fonction vers l’administratif ; économie de personnel ; sous-paiement des heures complémentaires ; avancée du localisme par l’absence d’un Référentiel national d’équivalence horaire et des promotions qui seraient encore plus conditionnées par ces tâches annexes devenues obligatoires ; arguments supplémentaires pour appliquer aux PRAG/PRCE des primes individuelles C2/C3 réduisant relativement et de fait le salaire statutaire, ce que demandent la CFDT et le syndicat corporatiste 384…). Nous avons montré l’erreur
d’analyse (pour ne pas dire faute…) qu’à fait jusqu’à présent l’exécutif syndical, malgré nos alertes ( lien texte PRAG/PRCE), en laissant croire que ces missions (ou activités) nouvelles ne seraient pas obligatoires et donc qu’il n’y aurait pas danger ! Sur ce point, nous avons réussi à faire rectifier les écrits syndicaux par une inclusion qui nous a semblé correcte dans le rapport du thème 2.
Rapport final voté (64 pour , 4 contre , 1 NPPV) en séance plénière du jeudi après-midi.

 Thème 3 – Enseignement Supérieur et Recherche : entre service public et marché ?
La discussion, parfois de manière trop lamentatoire plutôt que combative, a d’abord fait le constat négatif de l’existant : une Université sous-dotée entraînant les établissements dans des déficits de fait organisés ; des formations en apprentissage qui sont utilisées pour aller vers l’autofinancement des établissements mais dont la part belle (83%) va au privé ; des partenariats public/privé dont essentiellement les financements viennent du public et les gains vont au privé ; une politique universitaire qui s’inscrit de plus en plus dans une marchandisation et une privatisation rampante ; un développement de l’enseignement supérieur privé à but lucratif…
Concernant l’apprentissage, la discussion a cependant montré une ambiguïté de la position syndicale jusqu’à entendre de la part de membres de l’exécutif : « Tout ne serait pas mauvais… », « On a fait quelque chose de bien de ce qui était initialement pas bon… ». Le texte issu de ce thème 3 reprend ce constat en le détaillant et en listant utilement les revendications du SNESUP.
Rapport final voté (65 pour , 3 contre) en séance plénière du jeudi après-midi.

Appel du congrès voté (53 pour , 5 contre) le jeudi après-midi, lors de la dernière séance plénière :
Le contexte politique et la teneur somme toute correcte des textes issus des thèmes abordés ont abouti à un congrès qui peut apparaître in fine relativement consensuel. Critiques et constructives, nos interventions ont d’une part permis d’améliorer les textes en clarifiant les positions et, d’autre part, mis en lumière la mollesse de certaines positions de l’exécutif majoritaire et pour tout dire, les compromis/compromissions qu’il accepte parfois ou est prêt à accepter…
Au-delà des textes, l’enjeu est maintenant d’adopter une attitude offensive, ce qui passe nécessairement par la mobilisation des sections en vue développer la résistance chez les collègues. De plus, le SNESUP se devrait de développer un projet alternatif pour un service public de l’ESR conforté et développé. Ce sera pour nous l’un des enjeux du congrès d’orientation 2025.

Motions présentées au congrès :
3 motions ont été déposées par le « courant de pensée » PSC. Elles concernaient l’acte II de la LRU, la Palestine et enfin, la Kanaky. Si nous avons fait le constat qu’elles allaient globalement dans le bon sens, nous avions aussi des critiques et il est dommage de n’avoir pas pu échanger en amont du congrès, ce qui aurait permis de les améliorer. De plus, délégués de nos sections au congrès, nous avons tenu à nous investir dans le travail des commissions afin d’améliorer autant que possible les textes.
Au bout du compte, alors que ces motions auraient pu permettre d’affirmer efficacement une position syndicale, elles sont
surtout apparues comme un moyen pour ce « courant de pensée » (PSC) de se montrer (un des défauts liés au fonctionnement syndical actuel en tendances). Des votes mitigés en ont découlé :
Motion « Acte II de la LRU » : (11 pour, 30 contre, 14 abstentions, 0 NPPV)
Motion « Palestine » : (20 pour, 24 contre, 10 abstentions, 0 NPPV)
Motion « Kanaky » : (9 pour, 26 contre, 16 abstentions, 0 NPPV)
AGIR ! et PSL réaffirment une nouvelle fois le besoin d’une revitalisation des sections et d’un fonctionnement national plus ouvert et démocratique !
A l’occasion de ce congrès, nous retrouvons donc les grands défauts que nous dénonçons : le manque de clarté des positions de l’exécutif, voire des compromissions inacceptables, le manque de démocratie à cause de l’emprise clanique des tendances et finalement le manque de combativité et l’affaiblissement de notre syndicat (chute du nombre de syndiqués, dévitalisation des sections).
C’est pourquoi nous demandons la fin de l’emprise des tendances (devenues des clans et des instruments de pouvoir) sur le syndicat en proposant d’ouvrir la Commission Administrative Nationale à des représentants directs des sections, en limitant de plus la durée des mandats. Au-delà, il est impératif de s’engager dans la revitalisation des sections pour retrouver à la fois une vie syndicale véritablement démocratique et une orientation combative.
De même, pour la rédaction des articles du « Mensuel du SNESUP », l’ouverture à l’expression pluraliste devient urgente et indispensable afin d’alimenter le débat d’idées et la démocratie.
Nous poursuivrons ce travail de propositions constructives et combatives, mais aussi de vigilance face aux abandons, dans les différentes instances nationales du syndicat avec non seulement nos élus qui y jouent déjà un rôle important, mais aussi avec tous ceux qui défendent des positions combatives, même si dans ces instances, les positions y sont bien plus figées avec des élus actuellement désignés par les « tendances »…
Dans ce contexte délétère pour notre service public d’ESR, il faut en finir avec les lamentations et passer à l’action effective ! La force du SNESUP, ce sont les syndiqués, les sections, pas le clanisme des « tendances ».
AGIR ! et PSL sont au service de tous les syndiqués pour revitaliser le SNESUP.
Informons, débattons, argumentons avec ouverture et confiance, pour faire en sorte que l’outil syndical n’échappe pas aux syndiqués !
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