Il faut basculer les milliards détournés par la spéculation, le profit et la rente vers l’enseignement supérieur public et la recherche

Il faut basculer les milliards détournés par la spéculation, le profit et la rente vers l’enseignement supérieur public et la recherche

une contribution de notre camarade Jean Fabbri, enseignant-chercheur, syndicaliste, ancien doyen de la faculté des sciences de l’université de Tours

Le constat est fait par la Cour des comptes, des commissions parlementaires, des économistes : la plupart des dispositions budgétaires voulues par les gouvernements ces dernières années ont affaibli les universités et plus globalement l’ensemble du périmètre public de l’enseignement supérieur et de la recherche (en favorisant le privé). Il y a presque vingt ans, avec le syndicat Snesup-FSU, nous dénoncions l’organisation délibérée par le pouvoir politique, avec la loi liberté et responsabilités des universités, d’une rupture brutale avec la logique de service public.

Pour faire court, ces gouvernements ont tourné le dos à une vision politique émancipatrice de la science, des techniques et de l’éducation, qui ont vocation à irriguer le plus largement toute la société… et ont détourné de ces objectifs environ 15 milliards d’euros par an. Si le gouvernement Barnier envisageait d’augmenter la part des jeunes (et des familles) dans le financement des études supérieures, nous réaffirmons à rebours que le seul choix politique qui correspond à la devise de notre République, c’est un financement d’État massif seul capable de faire échapper la recherche publique et la diffusion des connaissances à des pressions et un accaparement privé comme à la sélection sociale.

Deux voies sont à associer pour financer l’enseignement supérieur. Il faut d’abord réorienter les sommes détournées. Chaque année, supprimer les niches fiscales (crédit impôt recherche, apprentissage dans le post-bac privé…) – dont l’habillage « recherche » ou « insertion » n’est qu’un leurre – rapporterait plus de 8 milliards. Faire payer à leur juste prix les cessions de brevets dus pour l’essentiel aux laboratoires publics (biologie, intelligence artificielle, pharmacie, matériaux…) amènerait au moins 2 milliards.

Supprimer l’appareil bureaucratique dit « d’évaluation » et de mise en concurrence des établissements universitaires, des organismes de recherche et de leurs personnels, en rendant sa place à la collégialité des universitaires et chercheurs ferait entrer un air de liberté là où celle-ci s’est réduite ; de même interdire le recours aux cabinets de conseil privés, qui ponctionnent les universités en faisant produire par des mercenaires sortis d’écoles de commerce privées des instructions sur la réorganisation du service public, rapporterait près de 0,8 milliard. Il faut ensuite abonder le budget. Il est possible d’augmenter de 3 milliards l’effort de la nation pour l’enseignement supérieur et la recherche quand on voit la loi de programmation militaire de 2023 qui a dopé de près de 4 milliards celui de la défense.

Cela permettrait de résorber la précarité étudiante, de recruter plus de personnels – et il en faut –, tous sur des emplois statutaires, de revaloriser les salaires et de rétablir leur gestion nationale, garante de carrières libérées d’une individualisation perverse.

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