Comprendre la dette publique en quelques mots

Comprendre la dette publique en quelques mots

Les causes principales de l’endettement du pays : l’Europe via la confiscation des fruits de la croissance par la Banque centrale européenne (BCE) et la politique fiscale qui consiste à ne pas lever l’impôt à la hauteur des besoins en réduisant la contribution des plus aisés

Une contribution de notre camarade Gérard Tollet

Les discours moralistes, alarmistes et largement trompeurs sur la dette publique sont récurrents et servent depuis des années à justifier une politique soi-disant de « rigueur », de réduction des dépenses publiques, ainsi que des privatisations directes ou rampantes des services publics. Comprendre la provenance de la dette est essentiel afin de ne pas être berné par ces discours et pour ne plus subir la politique qui en découle. C’est modestement le but de ce bref propos qui va tenter un décryptage et une clarification à l’opposé des discours « d’experts » dont le vocabulaire obscur n’a rien d’anodin, tout étant fait pour que les citoyens ne comprennent pas et ne se mêlent pas des affaires publiques ! Bien sûr, nous n’entrerons pas ici dans la complexité des mécanismes économiques, ils ne sont pas essentiels à la bonne compréhension du fond.

Niveau raisonnable ou non de la dette, politique fiscale de cadeaux aux très riches alourdissant son poids, caractère fictif d’une bonne partie de la dette comme conséquence du transfert de souveraineté monétaire du pays au bénéfice de l’Union européenne, tout ce qu’il faut savoir pour ne pas se faire avoir…

Une part importante de la dette publique est artificielle !

Depuis 1974, date à laquelle notre pays a transféré — bien avant l’euro — sa souveraineté monétaire à l’Europe et de fait, est devenu une « collectivité territoriale » de celle-ci, la France n’a plus le droit de battre monnaie pour équilibrer son budget.

Quelles conséquences ? Dans un État souverain en croissance (prenons par exemple 1 % de richesses supplémentaires produites en un an), il convient d’injecter dans l’économie l’argent correspondant à ces 1 % afin que ces nouveaux produits puissent être achetés sans entraîner d’inflation. C’est l’État qui s’en charge en votant volontairement un budget annuel en déséquilibre d’autant (plus de dépenses que de recettes) et en faisant fonctionner la planche à billets, via la banque nationale émettrice. C’est classique, naturel et vieux comme le monde (même si maintenant la création de monnaie est essentiellement dématérialisée). Cette caractéristique propre à l’émission de monnaie rend d’ailleurs ridicule toute comparaison entre un État et un ménage, ce que font pourtant régulièrement certains propagandistes.

Or, depuis 1974 et la perte de souveraineté monétaire, l’État se doit de voter un budget en équilibre. La logique voudrait que l’Europe, battant monnaie à la place des États, redistribue ces fruits de la croissance via une subvention de fonctionnement correspondant, comme pour une collectivité territoriale. Or, il n’en est rien et cette confiscation entraîne un déséquilibre budgétaire artificiel qui est transformé en un endettement qui ne devrait pas avoir lieu.

De plus, la perversité du fonctionnement européen aboutit même à ce que cet endettement ne se fasse pas auprès de la Banque centrale européenne (interdiction lui est faite par les traités européens) mais indirectement auprès de multiples banques commerciales. Au final, l’État est contraint de verser des intérêts considérables à des « prêteurs » privés. De surcroît, rembourser le capital revient à considérer comme normal ce détournement d’argent public correspondant aux fruits de la croissance, c’est à dire au résultat du travail de tous. Cette partie de la dette pourrait donc normalement être annulée (cela s’est déjà fait ailleurs) !

A titre d’exemple chiffré, alors qu’en 2022 la croissance du PIB français a été de 60 milliards d’euros et que la dette progressait de 125 milliards d’euros, la hausse réelle de dette n’aurait dû être en fait que de 125 – 60 = 65 milliards d’euros. Cela signifie que pour 2022, 48 % de la dette supplémentaire est fictif ! Cette incongruité provient du fait que la Banque centrale européenne, de part son étonnant statut indépendant, ne redistribue pas les fruits de la croissance aux différents états !

40 ans de libéralisme économique ont réduit fortement les impôts des très aisés !

Tout État se finance normalement en levant l’impôt à la hauteur des besoins publics. Or, la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), les niches fiscales indécentes et multiples, l’évasion et la fraude fiscales estimées à environ 80 milliards d’euros par an (plus que le poids de la dette !) mais sans volonté réelle de les traquer, la forte réduction de la taxation des grosses successions, idem concernant le taux d’imposition des hauts revenus passé de 65 % en 1986 à 45 % actuellement, etc., tout ceci caractérise les politiques menées qui, depuis 40 ans et avec certes quelques fluctuations selon les gouvernements, ont contribué à appauvrir l’État.

Conséquence de ces politiques : l’État s’endette, les inégalités se creusent et la petite frange riche de la population progresse, laquelle accumule de l’argent, argent qu’elle peut « prêter » à l’État, cela permettant d’en récupérer encore plus via l’endettement de celui-ci, etc. Les nantis sont alors gagnants deux fois !

Comble de la manipulation, cet endettement permet au gouvernement, à partir d’un discours de pseudo « rigueur budgétaire », de justifier des réductions de dépenses publiques, voire des privatisations, permettant de nouveaux lieux d’investissement pour riches au détriment du patrimoine commun, etc. C’est un cercle vicieux qu’il convient de rompre dans l’intérêt général !

En conclusion :

Pas de catastrophe : la durée moyenne de remboursement de la dette (en l’absence de nouvelle) est courte et inférieure à 9 ans. Ceux qui ont créé cette dette crient à la catastrophe, tout en l’exagérant artificiellement. Ne soyons pas dupes !

Mais de la propagande, assurément ! Si le passif de l’État (sa dette) est constamment brandi comme un poids pour nos enfants, ses actifs (le patrimoine national qui est bien plus élevé) sont volontairement omis… Et l’État n’est pas un ménage !

Quelles solutions : se dégager du carcan européen (sauf si l’on imagine pouvoir modifier un jour … les orientations capitalistes de la construction européenne) ou revoir au minimum le statut de la BCE. Lutter réellement contre la fraude fiscale et lever les impôts à la hauteur des besoins, avec rétablissement de l’ISF et revalorisation de l’impôt sur les revenus et les successions (taux des hautes tranches et progressivité).

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